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Troisième article de notre série écrite à 5 mains, pour tenter de tirer des enseignements de la crise de la Covid-19 et améliorer nos pratiques d'accompagnement en termes d'adaptation aux changements climatiques

Guillaume Simonet - 12 juin 2020

La covid-19, un répit temporaire pour le vivant non-humain…

C’était une des seules bonnes nouvelles de cette crise aussi violente qu’inattendue : le confinement des humains a pu, le temps de quelques semaines, (relativement) profiter aux non-humains non domestiqués. Vivant au centre-ville de Toulouse, j’ai eu l’heureuse opportunité d’observer lors des semaines de confinement ce printemps silencieusement vivant à chacune de mes sorties. Comme surgies de nulle part, je m’émerveillais des tiges qui poussaient dans la moindre faille d’asphalte, longeaient les murs ou grossissaient le rang des jardins publics cadenassés. Libérées du joug de « l’entretien », je notais que certaines donnaient des fleurs et d’autres de larges feuilles vertes, le tout au milieu de longues graminées qui dominaient les espaces plats. Et à la faveur d’une période pluvieuse, je suivais l’installation de microcosmes d’insectes au milieu de ces mini-jungles urbaines, ravissant les oiseaux perchés sur les longues branches épargnées des habituels élagages. Après plus d’un mois de cette politique bien involontaire de  « laisser aller », je fus surpris : loin d’être des amas impénétrables d’espèces envahissantes malodorantes, je constatai que les pousses étaient raisonnables (seules les graminées et quelques rares fleurs atteignaient tout juste le mètre…), diversifiées et formaient une broussaille légèrement désordonnée qui donnait à la ville rose un air plus décontracté qu’à l’accoutumée : le joyeux vert des ruelles compensait la grisaille de nos anxieuses vies confinées.

 

… rapidement douché par un violent retour à la réalité

J’avoue m’être émerveillé de cette discrète broussaille urbaine durant ces promenades. Je me mettais alors à imaginer que le constat serait de même au sein des instances de décisions locales. Mais je gardais également en tête qu’une telle gestion pouvait se heurter à une série de complaintes : de telles herbes laissées folles (et leurs cortèges d’insectes belliqueux) allaient-elles gâcher les accrocs des traditionnels pique-niques gazonnés ? Mais je rêvais un peu : ce laisser-aller pourrait-il devenir la pierre angulaire des politiques d’espaces verts urbains de l’ « après » ? Quand je lus que les autorités locales de Grenoble avait intégré cette idée à leur nouvelle politique, je me dis alors que la covid-19 faisait définitivement office de déclencheur ! Quelques jours plus tard, la douche froide arriva sur Toulouse en même temps qu’une fin de mai aux tentations caniculaires : au pied de la « muraille », un tracteur-débroussailleur (!) sonnait la charge. Les parcs rouvraient leurs portes à une armada de débroussailleuses individuelles à essence et à leur insupportable cacophonie. Les murs redevenaient briques, les recoins insipides et les coupes rases. La parenthèse verte se referma et les « habitudes » reprirent de plus belles.

 

Converger les accompagnements

Nos efforts, en tant que professionnels de l’adaptation aux changements climatiques, se heurtent souvent aux réalités organisationnelles. Je constate un écart, à mon goût encore trop grand, entre la considération du vivant non-humain et celle portée pour les enjeux climatiques, que ce soit dans la communauté scientifique (science du climat vs chercheurs en biodiversité), au sein de structures (associations environnementales vs bureaux d’ingénieurs) ou de services de collectivités (espaces verts vs développement durable/environnement). Heureusement, la tendance au rapprochement est là et peu à peu les cloisons s’estompent. Car, la parade n’est pas à chercher dans de nouvelles technologies, concepts ou moyens : le décloisonnement est le seul mot d’ordre, que ce soit pour les disciplines ou les formations), les aspects cognitifs ou les logiques d’action, les services ou les organisations.

 

Accompagner le pas de côté

Avec Catherine Bossis (Greenselipar), Rachel Jouan Daniel et Lisa Russo (Climate Adaptation Consulting) ainsi que Stéphane Simonet (Acterra), tous les cinq engagés professionnellement pour accompagner les territoires, les institutions et les activités à se réorganiser face aux impacts des changements climatiques, nous opérons justement dans cette logique de décloisonnement par nos visions systémiques et nos accompagnements en intelligence collective. Nous pensons que les menaces révélées par la COVID - dans cet exemple, reconsidérer le vivant non-humain notamment face aux changements climatiques– obligent chacun de nous une prise de distance : prendre le temps de mieux saisir nos dépendances individuelles et collectives, de formuler ce qui nous semble indispensable et d’imaginer ce que nous voulons dès à présent pour notre territoire « terrain de vie ».

Nous sommes prêts pour jouer ce rôle d’animateur « sensible » en accompagnant les démarches en faveur des SAFN (solutions d’adaptation fondées sur la nature) comme pistes de réorganisation de nos territoires, de nos institutions et de nos activités.

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1er article (Catherine Bossis)

2e article (Rachel Jouan Daniel)

Illustration : Anna Kedz

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